Desnos aimait répéter : "Je ne suis pas philosophe, je ne suis pas métaphysicien... Et j'aime le vin pur."Il disait aussi: "Ce que les écrivains ont à dire s'adresse à tous".
Je vous invite donc à aller à la rencontre de Robert Desnos, ce poète mort déporté à moins de quarante cinq ans, curieux de tout dans la vie, sans préjugés et toujours sincère dans ses choix, pour qui la liberté n'a pas été un vain mot. De la poésie, il a écrit qu'elle devait être « délirante et lucide », et ceci pour le poète : « En définitive, ce n'est pas la poésie qui doit être libre, c'est le poète. »
Voici donc quelques poèmes légers ou plus graves , qui parlent d'amour ou de mort .
Poème, je ne vous demande pas l'aumône,
Je vous la fais.
Poème, je ne vous demande pas quelle heure il est,
Je vous la donne.
Poème, je ne vous demande pas si vous allez bien,
Cela se devine.
Poème, poème, je vous demande un peu...
Je vous demande un peu d'or pour être heureux avec
celle que j'aime.
Desnos et Youki, le grand amour de sa vie |
Conte de fées
Il était un grand nombre de fois
Un homme qui aimait une femme
Il était un grand nombre de fois
Une femme qui aimait un homme
Il était un grand nombre de fois
Une femme et un homme
Qui n'aimaient pas celui et celle qui les aimaient
Il était une fois
Une seule fois peut-être
Une femme et un homme qui s'aimaient.
[1930-32]
Les Nuits blanches
Les Nuits blanches
Le zèbre
Le zèbre, cheval des ténèbres,
Lève le pied, ferme les yeux
Et fait résonner ses vertèbres
En hennissant d'un air joyeux.
Au clair soleil de Barbarie
Il sort alors de l'écurie
Et va brouter dans la prairie
Les herbes de sorcellerie.
Mais la prison, sur son pelage,
A laissé l'ombre du grillage.
[1944]
Le zèbre, in Chantefables (1944-1945).
ŒUVRES, Gallimard,
L'escargot
Est-ce que le temps est beau ?
Se demandait l'escargot
Car, pour moi, s'il faisait beau
C'est qu'il ferait vilain temps.
J'aime qu'il tombe de l'eau,
Voilà mon tempérament.
Combien de gens, et sans coquille,
N'aiment pas que le soleil brille.
Il est caché ? Il reviendra !
L'escargot ? On le mangera.
[1944]
L'escargot, in Chantefables (1944-1945).
L'escargot, in Chantefables (1944-1945).
La voix
Une voix, une voix qui vient de si loin
La colombe de la paix , peinte par Pablo Picasso
Qu'elle ne fait plus teinter les oreilles,
Une voix, comme un tambour, voilée
Parvient pourtant, distinctement, jusqu'à nous.
Bien qu'elle semble sortir d'un tombeau
Elle ne parle que d'été et de printemps,
Elle emplit le corps de joie,
Elle allume aux lèvres le sourire.
Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix humaine
Qui traverse les fracas de la vie et les batailles,
L'écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages.
Et vous ? ne l'entendez-vous pas ?
Elle dit « La peine sera de peu de durée »
Elle dit « La belle saison est proche ».
Ne l'entendez-vous pas ?
[1944]
La voix, in Contrée
ŒUVRES, Gallimard,
Couplets de la rue Saint-Martin
Je n'aime plus la rue Saint-Martin
Depuis qu'André Platard l'a quittée.
Je n'aime plus la rue Saint-Martin,
Je n'aime rien, pas même le vin.
Je n'aime plus la rue Saint-Martin
Depuis qu'André Platard l'a quittée.
C'est mon ami, c'est mon copain.
Nous partagions la chambre et le pain.
Je n'aime plus la rue Saint-Martin.
C'est mon ami, c'est mon copain.
Il a disparu un matin,
Ils l'ont emmené, on ne sait plus rien.
On ne l'a plus revu dans la rue Saint-Martin.
Pas la peine d'implorer les saints,
Saints Merri, Jacques, Gervais et Martin,
Pas même Valérien qui se cache sur la colline.
Le temps passe, on ne sait rien.
André Platard a quitté la rue Saint-Martin.
[1942]
État de veille (1943).
ŒUVRES,
BIOGRAPHIE
Robert Desnos est un poète français, né le 4 juillet 1900 à Paris et mort du typhus le 8 juin 1945 au camp de concentration de Theresienstadt, en Tchécoslovaquie à peine libéré du joug de l’Allemagne nazie.
Autodidacte et rêvant de poésie, Robert Desnos est introduit vers 1920 dans les milieux littéraires modernistes et rejoint en 1922 l’aventure surréaliste. Il participe alors de manière éclatante aux expériences de sommeils hypnotiques et publie avec Rrose Sélavy (1922-1923) ses premiers textes qui reprennent le personnage créé par Marcel Duchamp.
Dans les années 1924-1929, Desnos est rédacteur de « La Révolution surréaliste » mais rompt avec le mouvement quand André Breton veut l’orienter vers le Communisme. Il travaille alors dans le journalisme et, grand amateur de musique, il écrit des poèmes aux allures de chanson et crée avec un grand succès le 3 novembre 1933, à l’occasion du lancement d’un nouvel épisode de la série Fantômas à Radio Paris « la Complainte de Fantômas ».
Le poète devient ensuite rédacteur publicitaire mais concerné par la montée des périls fascistes en Europe, il participe dès 1934 au mouvement frontiste et adhère aux mouvements d’intellectuels antifascistes, comme l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires ou, après les élections de mai 1936, le « Comité de vigilance des Intellectuels antifascistes »
En 1940 après la défaite il redevient journaliste pour le quotidien « Aujourd’hui », et dès juillet 1942 fait partie du réseau de Résistance AGIR. Il poursuit ses activités de Résistance jusqu’à son arrestation le 22 février 1944. Il est déporté à Buchenwald et passe par d’autres camps avant de mourir à Theresienstadt, en Tchécoslovaquie : épuisé par les privations et malade du typhus, il y meurt le 8 juin 1945, un mois après la libération du camp par les Russes. La dépouille du poète est rapatriée en France, et Robert Desnos est enterré au cimetière du Montparnasse à Paris.
Son œuvre comprend un certain nombre de recueils de poèmes publiés de 1923 à 1943 – par exemple « Corps et biens » (1930) ou « The Night of loveless nights » (1930) – et d’autres textes sur l’art, le cinéma ou la musique, regroupés dans des éditions posthumes.
Voici une vidéo pour découvrir Robert Desnos ,poète surréaliste plein d'humour et de drôlerie et au destin dramatique .
http://www.dailymotion.com/video/xf2e7n_robert-desnos_creation
Après la guerre, est publié un dernier poème de Desnos, qui apparaît comme l'essence même de la poèsie concentrationnaire :
« Jusqu'à la mort, Desnos a lutté. Tout au long de ses poèmes l'idée de liberté court comme un feu terrible, le mot de liberté claque comme un drapeau parmi les images les plus neuves, les plus violentes aussi. La poésie de Desnos, c'est la poésie du courage. Il a toutes les audaces possibles de pensée et d'expression. Il va vers l'amour, vers la vie, vers la mort sans jamais douter. Il parle, il chante très haut, sans embarras. Il est le fils prodigue d'un peuple soumis à la prudence, à l'économie, à la patience, mais qui a quand même toujours étonné le monde par ses colères brusques, sa volonté d'affranchissement et ses envolées imprévues. » (Paul Eluard )
Une des dernières photos du poète lors de sa déportation dns les camps de concentration . |
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